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Beaucoup d’artistes travaillent sur des objets autonomes, produisent des installations séparées, dotées de leur singularité. Peu savent, comme toba Yang, produire ce que l’on pourrait désigner comme une atmosphère, une ambiance, cet élément immatériel, instable et impalpable, qui constitue notre rapport à la réalité. Entrer dans une salle composée d’oeuvres de toba Yang, dont elle a elle-même organisé la disposition et l’accrochage, amène à éprouver une expérience très particulière. On change immédiatement d’humeur. On est pris, intégré dans un univers à la fois poétique, esthétique, humoristique. Tout se passe comme si ses oeuvres, rassemblées, fournissaient l’occasion de ressentir un nouveau rapport à soi et aux choses qui nous entourent, un rapport à la fois plus léger mais aussi plus fragile, peut-être aussi plus énigmatique, et donc aussi plus inquiétant. Le travail de toba Yang rompt avec un certain sérieux de l’art contemporain pour retrouver et explorer à nouveau frais le rapport du travail artistique à l’humour et au jeu. Elle joue avec les proportions, les couleurs, les titres, etc. Le regard de toba Yang est amusé. Elle s’amuse, elle ne prend pas les choses au sérieux: c’est par une minuscule échelle éphémère qu’est lancée l’invitation à monter au ciel (heaven), pour ‘‘devenir compositeur’’, il suffit de 5 secondes, et de lancer une pelote qui, en retombant, fait émerger une partition (how to be a composer in five seconds), une forme de limace bleutée est présentée comme une ‘‘adorable disgusting little thing’ ’ L’art de toba Yang est aussi un art du titre, avec son potentiel d’ironie, de renversement, de prise de distance... C’est aussi un art ludique, qui demande la participation du spectateur, comme dans ses « Take away », où l’artiste approvisionne en dessins à mesure que les spectateurs en emportent avec eux, selon un dispositif qui offre une critique toute en légèreté et en humour, sans drame ni hyperbole, du marché de l’art, rapproché d’une sorte de fast food. ... Soulignons enfin que le motif de la réversibilité et de la transmutation se retrouve dans la conception que toba Yang se fait de son travail et de l’art: utiliser des matériaux parfois récupérés, travailler avec ses mains pour produire des objets gracieux, poétiques, oniriques, légers. Bricoler, voilà un verbe qui désignerait parfaitement l’art de toba Yang. A condition de le comprendre dans toute sa positivité: bricoler, c’est expérimenter, c’est jouer et déjouer. Et c’est surtout, à partir des objets qui nous entourent, créer de l’inédit, de nouveaux objets, de nouveaux langages. Geoffroy de Lagasnerie . 2014
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