L’humour, en tant que mot étranger, est traduit en chinois par Wang Guowei en 1906. La première traduction Ou Mu Ya désignait une attitude philosophique de la vie. Wang ne l’avait pas beaucoup explicité. En 1924, Lin Yutang l’a traduit par la prononciation comme You Mo. Son interprétation a un sens similaire à l’esprit du taoïsme. Quoiqu’il existe un autre sens de You Mo à la période des Royaumes combattants (5eme siècle av. J.C.) où Qu Yuan l’utilise dans son ouvrage «Neuf chapitres•Huaisha» comme « isolé et calme ». Dans le chinois moderne, la compréhension du mot vient de l’interprétation de Lin Yutang. Lin pense que l’humour est une perspective de la vie. Il doit avoir une certaine importance culturelle pour les individus et l'État. L’humour pour lui n’est pas seulement une attitude mais également tient un rôle politique. Par exemple, quand il veut parler de la corruption, il écrit : «En Chine, on peut être arrêté par la police pour avoir volé un portefeuille, mais on ne sera pas arrêté pour vol de biens de l'État». Son sens de l’humour a une fonction sociale. Il doit rivaliser avec toutes les théories hypocrites du contexte social. En Chine, à part celles de Lin, peu de recherches sont menées sur l’humour. |
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Dans l’Ouest, l’analyse de l’humour est plus abondante. Un théoricien du drame britannique, Allardyce Nicoll, pense que l’humour est associé avec une certaine mélancolie particulière. Il ne se réfère pas au sens fort de la mélancolie mais à une sorte de réflexion ou de méditation sentimentale sur le monde. Yvonne Duplessis pense que le regard humoristique détruit le médiocre existentiel. Il dépasse l’horizon spirituel au-delà des normes en nous surprenant. De cette façon, il révèle au mental une autre réalité, c’est le surréalisme. L’écrivain russe Nicolas Vassiliévitch Gogol pense que, si on regarde longtemps une histoire amusante, elle deviendra inquiétante. Je pense que cette phrase est bien lourde et mélancolique comme si toutes les choses ont un sens philosophique. Mais ce qui m’intéresse c’est que l’humour peut être réflectif.
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Voici un exemple de Francis Alÿs. Dans une œuvre intitulée «Collector», il se promène avec un chien fait d’aimants. Ce chien attire une variété de clous, des capsules de bouteilles, des fils, tous types d’ordures métalliques dans la rue jusqu’à ce que tout son corps soit recouvert. La performance allégorique est drôle voire ironique. Sous le contrôle de la rationalité moderne développée du modèle « idéal » de l’urbanisme, l’artiste collecte avec son «chien» les déchets, les résidus produits par cette construction idéale. L’image d’un citoyen se promenant avec son chien dans un environnement écologique confronte cette réalité que F. Alÿs nous a montrée. Ici, une promenade Baudelairienne provoque aussi des problèmes sociaux. L’œuvre semble confirmer les phrases de Gogol d’un point de vue différent. Mais parfois, face à la réalité absurde, il vaut mieux laisser des problèmes ennuyeux se résoudre par l’humour.
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«Collector». Francis Alÿs
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«I do I would» Ceal Floyer
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Un autre exemple vient de Ceal Floyer, «I do I would». On vit dans une société de la surveillance. Le désir impossible de protéger la vie privée est questionné dans l’œuvre d’art. Un ballon bleu est mis face à une caméra de surveillance dans l’espace d’art. Avec beaucoup d’humour, l’œuvre nous fait réfléchir sur cette réalité quotidienne. Les caméras de surveillance rendent possible la protection sociale par l’enregistrement des criminels potentiels. Mais elles ne semblent pas très démocratiques, elles entraînent une atmosphère contrôlée et répressive. Dans l’espace d’art, le ballon innocent devient un protagoniste comique. En outre, il semble être une manifestation de la réalité. Cela confirme ce qu’a dit Ceal Floyer, "L'art est juste une manifestation, un cheval de Troie pour les idées".
Elle s’attarde notamment sur des phénomènes ordinaires ou passant inaperçus, qu’elle va ainsi révéler. Sa démarche participe d’une "archéologie" du banal qu’elle réinvente en détournant les objets et les codes sociaux. En raison de l'influence du minimalisme, son travail est simple et clair. Les spectateurs peuvent même utiliser un seul mot pour décrire son travail. Par l’humour, l’œuvre fournit une autre perspective pour voir la réalité. |