J’aime vraiment ces œuvres, à travers mes analyses de chaque œuvre, je cherche à comprendre pourquoi je les aime, telle est la signification personnelle de ce mémoire pour moi. J'ai commencé par chercher des points communs entre les œuvres sélectionnées, qui me semblent être amusantes, un peu comme des jeux, des jeux inventés par les artistes eux-mêmes. Mais je me retrouve dans un piège ennuyeux quand je commence à réfléchir à la manière de définir ces jeux d’artistes. Je ne peux pas dire qu’une œuvre est un jeu parce qu’elle a telle ou telle caractéristique, sinon elle n’en est pas un. Une telle définition est arbitraire et dénuée de sens, après tout, il ne s’agit pas de faire des mathématiques.
Les jeux dont je vais parler ici sont différents, ils ont leur propre contexte. Donc, je ne cherche plus des éléments communs à toutes leurs applications ou une définition par l’abstraction, mais je les analyse séparément. Je suis assez d'accord avec ce que Wittgenstein dit, «vous pouvez apprendre qu’un mot veut dire quelque chose par l’utilisation précise que nous en faisons». Comment le jeu nous fait du sens, quel en est le sens? Le contexte spécifique est la clé de la compréhension. J’espère découvrir les relations, comme un rhizome, entre les exemples. Un article dans l’ouvrage de l’écrivain argentin, Jorge Luis Borges, m’a bien inspiré. Il a écrit dans une certaine encyclopédie chinoise qui s’appelle «Céleste Emporium de connaissances bénévoles», les animaux se divisent en: (a)Ceux qui appartiennent à l'empereur (b)Embaumés (c)Domestiqués (d)Allaités (e)Mi- poissons mi- humains (f)Anciens (g)Chiens errants (h)Ceux inclus dans la classification actuelle (i)Qui s'agitent comme des fous (j)Innombrables (k)Dessinés avec un pinceau en poils de chameau très fins (l)Etc. (m)Ceux qui sortent de la cruche (n)Ceux qui de loin ressemblent à des mouches. Il est très étrange et ridicule d’observer ces catégories d’un point de vue scientifique. Mais, en tant que chinoise, je comprends bien la logique et le sens de l’existence de ces catégories. La classification mentionnée ici n'est pas notre classification biologique coutumière: classer en fonction de leur apparence, de leur mode de déplacement ou de leur alimentation etc. Elle échappe au contexte unique, chaque classification appartient à une nouvelle logique. Il ne semble pas y avoir de cohérence entre les uns et les autres. L’auteur souligne l'existence d'une classification pour chaque individu, tout en montrant sa variété et une juxtaposition de multiples logiques, qui constituent la silhouette globale. Voilà un contre-exemple de «soif de généralité»-une notion déconstruite par Wittgenstein. En conséquence, je pense à ces «jeux» dans l’art dont je vais parler. Roger Caillois s'est essayé à une définition du jeu. Le jeu est une activité qui doit être : 1.Libre 2.Séparée 3.Incertaine 4.Improductive 5.Réglée 6.Fictive. Wikipédia le définit comme: « On peut définir le jeu comme une activité de loisirs d'ordre physique ou bien psychique, soumise à des règles conventionnelles, à laquelle on s'adonne pour se divertir, tirer du plaisir et de l'amusement. » Dans les deux cas, il s’agit de dériver de la définition générale et abstraite, sans contexte spécifique, et que je ne m’approprie pas. Donc, je vais continuer avec la logique plus libre, celle de l’encyclopédie chinoise, pour parler de ce que sont les jeux d’artistes à mes yeux. |
Wittgenstein «Le cahier bleu» Gallimard 1965. p131 Jorge Luis Borges «Le Livre des êtres imaginaires» l’article «La langue analytique de John Wilkins». Enquêtes, suivi de Entretiens, Gallimard, 1986 (Folio), p. 138-143 Wittgenstein «Le cahier bleu» Gallimard 1965. p57 «cette soif de généralité est la résultante de nombreuses tendances liées à des confusions philosophiques particulières» p60 «La recherche philosophique a été entravée par l’idée que, si on veut avoir les idées claires sur le sens d’un terme général, il faut trouver l’élément commun à toutes ses applications ; car non seulement cette idée n’a conduit a aucun résultat, mais en plus elle a poussé le philosophe à rejeter comme irrecevables les cas concrets, qui pourtant auraient seuls pu l’aider à comprendre l’usage du terme général». |