Je me souviens très
bien qu'un jour en 2008, je me baladais au 4ème étage du Centre Pompidou. Je ne
suis pas encore entrée à l’école d’art et surtout je n’avais aucune idée de ce
qu’était l’art. Je m’ennuyais un peu. Dans une vitrine
banale, j’ai vu pour la première fois cette série de Robert Filliou intitulé
«Optimistic box». Je savais parler anglais mais quasiment pas français. J’étais
attirée par la façon dont Filliou exprime les choses. Il utilise des objets,
des petits mots, des titres sur des boîtes pour constituer une sorte de «texte» visuel ludique. Cette collection
de pensées, d’intentions, de propos et d’exercices visuels me permet, à travers
les différences de géographie, de langue et de culture, de comprendre l’œuvre et de l’apprécier. Elle a créé une forte curiosité chez moi.
Filliou travaille beaucoup sur les œuvres multiples. A partir de chaussettes rouges dans une boîte jaune, il a élaboré une série d’œuvres. Chaque œuvre est un multiple d’ensembles. Il remet en cause l’autorité de l’art traditionnel qui produit des pièces uniques. Il remet en question l’art artisanal. Il est temps de faire de l’art sans avoir de spécialité. Il se présente comme un génie sans talent. L'art n'est plus un mystère émanant d’incroyables compétences artisanales. En fait, un sculpteur sans aucune formation technique traditionnelle peut aussi s’exprimer librement. Ses boîtes de 1968 à 1981 en sont la preuve.
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«Optimistic box n.1,2,3,4,5»1968-1981
Robert Filliou |
Une boîte en bois, avec des papiers roses imprimés, du texte collé à l’extérieur et l’intérieur du couvercle. Une pierre est installée dans la boîte. Voilà une des 5 boîtes optimistes. Au niveau de la technique, cet assemblage n’a rien à voir avec l'art traditionnel. Mais si on s’approche un pas de plus pour observer les deux mots sur les papiers, on ne peut pas s'empêcher de rire. Il est intitulé sur le couvercle: “Optimistic box no 1 Thank god for modern weapons” Imprimé sur un papier à l’intérieur de la boîte: “We don’t throw stones at each other anymore” Signature |
De cette manière, la lecture du texte a lieu respectivement en deux temps différents; (l’externe / l’interne, l’avant / l’arrière). Elle crée une surprise. Elle est combinée avec la situation sociale de l’époque : la guerre froide et ses conséquences, la crise de Cuba etc. Il est facile de comprendre l’humour et l'ironie de cette "combinaison".
C’est ainsi que Filliou a exprimé avec cinq boîtes ordinaires des sujets variés : la guerre, l’amour, l’art, la vie, la mort et l'argent. Il a ouvert un nouvel horizon pour l’expression artistique. Tout semblait si simple et libre. |
«La Joconde est dans les escaliers»
1969 Robert Filliou |
Comme les artistes Fluxus, le jeu lui donne des inspirations à «réécrire» de façon ludique les faits accomplis. Il rigole sur la noblesse et le mystère de l'art traditionnel. Les objets quotidiens bricolés, les collages sont des médiums d’expression pour nous ramener dans une vie quotidienne plus riche et un monde plus intéressant.
L’œuvre «la Joconde est dans les escaliers» provoque une image de femme de ménage moderne qui chevauche celle de la peinture classique. Elle rend l'aura de la Joconde originale ridicule. Contrairement à la peinture à l'huile traditionnelle, ce que nous voyons est un collage totalement improvisé, un "jeu" ready-made: un balai, un seau et un panneau sur lequel est écrit: "Mona Lisa dans les escaliers". L’artiste avait entendu dire que dans certaines parties de l'Afrique, lorsque deux personnes se rencontrent, elles se demandent: Comment va ta vache ? Et comment va ton champ ? Et comment va ton fils aîné ? Et comment va ta maison ? Et ainsi de suite, passant en revue toutes leurs possessions, jusqu’à ce que l’une d’elles dise : POIPOI. A quoi l’autre répond : POIPOI. Ainsi, il nomme les choses dans sa main comme POIPOI, la serpillère mentionnée ci-dessus par exemple. Elles pourraient même se demander: «comment va ma chaise, comment vont les fesses de Brigitte Bardot etc." R.Filliou estime que les réécritures de soi ou des autres sont aussi une création. L’œuvre «la Joconde est dans les escaliers» est une réécriture de l’original. J’adore ce qu’il dit dans «éditions & multiples» : «j’ai eu l'idée de mesurer les choses avec des unités en relation avec l'instant. Par exemple: ma taille est de soixante et quelques tomates et mon âge de 111,225 voyages en train Copenhague-Paris». |
«éditions & multiples» les presses du réel. isbn 2 84066-054-7p21 |